All Hope Is Gone de Slipknot, la critique

Publié le par ledaoen ...



Le virage de Slipknot vers davantage de mélodie avec son prédécesseur se poursuit avec "All Hope Is Gone", nouvel aperçu du potentiel d’un groupe en perpétuelle réinvention de son art. Un processus d’évolution capté pour la première fois en studio dans l’Iowa et ce, en raison des "trop multiples distractions qu’offrait Los Angeles" selon le bassiste Paul Gray , mais aussi de la volonté de certains de ne pas rester trop éloignés physiquement de leurs familles (le chanteur Corey Taylor, sur la liste, a un fils). Slipknot voulait donc se retrouver, mais pas faire la fête. Il lui fallait rester concentré sur le but. Au bout d’un travail démarré en studio en février 2008, les Masques Vivants (qui, en définitive, ne les ont pas enlevés du tout) tendent à toucher cette année une forme très directe sur ce condensé de douze titres. Douze titres seulement, pusique le groupe, productif, en avait composé ensemble ou séparément un total d’une trentaine.

Catchy et truffé de voix claires flatteuses, "All Hope Is Gone" est sorti dans une édition limitée comprenant trois titres bonus (nous n’avons pris connaissance que de l’édition "classique") et a été précédé de deux singles, "All Hope Is Gone" et "Psychosocial" (doté d’un solo héroïque).
Sa dynamique, forte, joue sur deux tableaux à la fois : une mélodicité très forte et une volonté d’agression qui ne se démentent pas de tout le disque. La formule devrait garantir à "All Hope Is Gone" un accueil très favorable. Il faut dire que l’ensemble fonctionne parfaitement : les compositions gardent quelque chose de "jouissivement" direct, servies par une production genre mammouthesque officiellement signée par Dave Fortman et un mixage superbe signé Colin Richardson (+ Matt Hyde, pour l’ingénierie du son), le tout restant dans un registre assez thrashy sur le plan des guitares rythmiques ("Gematria"). 

"All Hope Is Gone" est un disque qui vit (l’élan de "Sulfur"), et ce qu’on l’aime ou pas. Slipknot opère mieux que jamais, il faut le dire, dans le registre de la coloration. En tête de proue, un élément de forme : les voix très clean de Corey Taylor, très présentes. Elles risquent d’emballer la valse des reproches, à prévoir. Au disque seront assimilées ses tendances teenage US, ses pauses (l’intéressante et habitée ballade "Snuff", pas forcément malvenue mais plus qu’éloignée des préoccupations des adeptes de la première heure, même si Corey Taylor et le guitariste Jim Root ont goûté aux plaisirs de l’envergure "mainstream" via le projet Stone Sour). 
Vu d’ici, cette tendance à "vulgariser" le son de Slipknot n’est pas pour déplaire pris dans sa globalité. Slipknot n’est aps dans la caricature, mais dans l’agencement du protéiforme. Les choix vocaux de Taylor s’équilibrent ainsi entre deux pôles : l’un clair en effet, l’autre toujours déclamatoire et à même de satisfaire les fans les plus regardants. Mais c’est clair : dans sa globalité, cette musique a gagné un aspect plus digeste, sans que cela rejoigne pour autant le même niveau d’accessibilité que celui touché par l’album précédent. Certains pourront toujours y voir un retranchement vers la facilité, mais ce n’est sans doute pas ce que Slipknot aura fait de plus poussé dans le genre.

Au bout de cette démarche d’ouverture de style, le collectif est à fois devenu un tenant des sons rock les plus connus et gros de ce début de millénaire, mais ne s’en tient pas à cela. Les césures introduites en interne aux compositions leur donnent un découpage apte à surprendre, une vraie aération dont bénéficient les titres les plus radiophoniques. Ainsi en va-t-il de "Dead Memories", futur classique (single à sortir fin novembre) mais peut-être aussi future composition bête noire des fans les plus hardcore : ceux qui attendent de Slipknot du dur, et rien que ça.
Les "Ecritures 2008" des membres nouvellement masqués (et dont les frais apparats sont largement mis en valeur par un somptueux livret) prennent une posture entre Rock plombé et Metal (le groove de "Vendetta"), un sens de l’efficacité qui n’exclut pas l’exposition de capacités polyrythmiques et atmosphériques. Les ambiances font réellement une partie du menu avec un des titres le plus évidents à ce sujet : le mid-tempo "Gehenna", traversé de voix acides et stylées à la Alice In Chains, de guitares filandreuses et fondant sa progression sur un groove retenu et moyennement sain, en forme de point de suspension. Non, il n’y a pas que le Thrash, non.

"All Hope Is Gone" c’est donc, enfin, autre chose qu’un disque simplement direct même si certains de ses pans révèlent le "confort" gagné par Slipknot. L’écriture, si elle surprend assurément moins que celle qui accoucha du prédécesseur ("Vol. 3: The Subliminal Verses", en 2004) semble dans une phase de sophistication en même temps qu’elle recherche l’efficacité (le très explosif "This cold Black", très dans la veine de ce qu’attendent les tenant de l’option dure). Slipknot agit dans la veine d’un certain Metal : celui qui refuse encore et toujours de recourir aux évidences binaires mais aime aussi taper à l’œil, tout en ne fuyant pas la thématique politique et/ou sociale.
Difficile de ne pas considérer la forme de "All Hope Is Gone" comme relevant d’autre chose qu’une finition tout à fait exceptionnelle. Pour le reste, tout dépend de ce que vous attendez de Slipknot. Si vous espériez trouver là le nouveau brûlot extrême, passez votre chemin. Ce disque est diablement efficace, sanguin, sa principale intelligence demeurant dans le cumul d’une énergie rare et d’un sens de la vulgarisation. Une farce aussi grosse que bien amenée.
La vulgarisation pourra être citée comme force ou faiblesse de "All Hope Is Gone" et à ce sujet, il ne se trouve personne pour vous dire quoi faire. Votre cœur parlera, écoutez le donc. La vérité est derrière ces Masques, et seul votre âme y décèlera, ou non, la pantomime.

pour Obsküre, (Digital Magazine for Dark Music)

Publié dans Culture

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